Dès 1945, l’État prend plusieurs mesures d’urgence pour tenter
de remédier à la pénurie de logements : la construction de 100.000 habitations
provisoires destinées aux réfugiés, et la création d’un droit de réquisition au
bénéfice des sans abris. Cet habitat
provisoire va durer dans certaines villes plus de 20 ans.
Raoul Dautry, l’homme des cités-jardins des cheminots de la Compagnie du Nord est nommé ministre de la Reconstruction (Nov 44 – Janv 46). Il doit gérer l’urgence, mais la priorité n’est pas au logement. Il faut d’abord remettre en route l’économie du pays.
Il expérimente de nouveaux procédés de construction
de maison individuelle. Mais les besoins sont tels que le choix du logement
collectif s’imposera. La réalisation du rêve des français pour la maison
individuelle est différée.
Les villes de Noisy-le-Sec et de Chartres sont des terrains d’expérimentation pour de nouveaux modes constructifs industrialisés de maisons individuelles.
A Noisy, 56 maisons
prototypes seront réalisées dès 1946 dans le quartier du Merlan, dont 26
modèles étrangers.
A Chartres, la cité expérimentale de Rechèvres, bâtie entre 1951-53, comporte 200 maisons.
Le Comité Ouvrier du Logement (COL) naît sous l'impulsion d'un jeune prêtre ouvrier, Etienne Damoran avec des militants familiaux et syndicaux catholiques de la SNCF et d’EDF.
En 1948, une opération menée à Pessac Alouette interpelle le pays : c’est la 1ère opération d’autoconstruction. 150 familles participent le soir et le week-end aux travaux de la cité. En plus de leur maison, ils bâtissent château d'eau, station d'épuration, réseau d'eaux pluviales et église.
La cité des Castors est
inaugurée en 1952 par le ministre Eugène Claudius-Petit.
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Castor tu peux chanter l'immortelle chanson,
Du Charpentier solide et du hardi maçon,
Tu l'auras Ta maison, payée de tant de peines,
Tu l'auras Ta maison, récompense prochaine,
Et quand le premier soir dans la nuit volets clos
Tu prendras dans tes bras ta femme et tes marmots
En les voyant si fiers, si pleinement heureux
Castor, tu sentiras les larmes dans tes yeux !
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L'exemple de Pessac suscite très vite de
nouvelles vocations : les Castors de Montreuil puis de Rezé. Dès
1949, des opérations similaires sont menées à Poitiers, Nantes et Vaucouleurs
dans le respect de 2 règles : il faut être présent sur le chantier au moins 24
heures par mois et les maisons ne sont attribuées qu’à la fin du chantier. La
méthode Castor est intégrée à la législation HLM. A la fin de l'année 1950, les
Castors constituent la Fédération Nationale des Organismes d’autoconstruction.
En quelques années, plus de 12.000 logements seront bâtis selon cette formule.
Eugène Petit, dit Claudius-Petit,
ministre de la Reconstruction (1948-53) définit les priorités : la remise à
niveau des loyers et l’amélioration du patrimoine ancien, la reprise de
l’initiative privée dans le secteur du bâtiment grâce aux primes et prêts du
Crédit Foncier, et l’industrialisation du bâtiment qui est l’axe central de sa
politique.
On assiste au développement des systèmes constructifs, de la politique des modèles et des composants industriels.
On parle alors plus de gains de productivité que de réduction de la qualité. Le ministre scande partout où il passe « Il faut construire 20.000 logements par mois ».
Pour répondre aux besoins, il faut des entreprises puissantes, capables de réaliser plusieurs centaines de logements sur un même site.
Claudius-Petit va favoriser l’émergence de ceux que l’on appelle aujourd’hui les majors de la construction.
Enfin, l’une des
préoccupations constantes du ministre est l’aménagement du territoire, clé d’un
développement harmonieux des territoires.
Claudius-Petit veut des modèles
reproductibles à grande échelle pour répondre aux besoins.
Le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme organise un grand concours d’architecture à Strasbourg.
Il s’agit de bâtir un programme de 800 logements sur 10 hectares dans des limites de prix-plafonds.
Eugène Beaudoin est lauréat de ce concours. Il va y bâtir la cité Rotterdam qui sera recommandée aux organismes constructeurs et considérée comme un modèle. Le Corbusier n’obtient que le 4ème prix.
Le Plan Courant prévoit la construction de 240.000 logements par an (alors que 82.000 logements seulement ont été produits en 1952).
Une grande partie de ce plan sera réalisée selon les
normes de la loi du 4 mai 1951 sur les logements économiques et familiaux. Le
reste des constructions sera réalisée selon le nouvelle formule des normes
réduites.
La loi du 6 août
1953 élargit le droit d’expropriation (Etat, Départements et Communes). Il
instaure le 1% logement qui impose à toutes les entreprises de plus de 10
salariés le versement de 1% de la masse salariale pour la participation à
l’effort de construction.
La mesure phare du plan est la reprise
d'une initiative d'industriels du Nord datant de 1942. Elle va sonner le glas
de la construction de logements directement par les entreprises, pour leurs
seuls salariés. Cette contribution appelée « Participation des Employeurs à
l’Effort de Construction » est versée à des collecteurs, les Comités
Interprofessionnels du Logement (CIL), pour être réinvestie dans la
construction.
Le 1% apporte une manne financière
considérable pour développer la production de logements.
La priorité absolue est de rendre les français propriétaires de leur logement. Une grande partie de la construction sera donc réalisée en accession à la propriété.
En 1953 Pierre Courant déclare « La possession de sa propre maison est une garantie de bon entretien. Elle porte en elle la sécurité dont il est souhaitable que puisse jouir un plus grand nombre ».
La loi du 15 avril 1953 crée une nouvelle catégorie de logements, les Logements Économiques et Familiaux : LOGECO. C'est un système mis en place avec des primes et prêts financés par le Crédit Foncier de France.
Ces constructions neuves, ont un prix de revient plafond inférieur à celui des logements ordinaires de 1950 et des normes réduites notamment en matière de surface. L’une d’entre-elles provoque de vives réactions : la hauteur sous-plafond est limitée à 2,50 m. Les hygiénistes s’insurgent : le cubage d’air nécessaire à une vie saine n’est plus assuré !
Les plans des constructions (individuelles ou collectives) doivent être choisis parmi les plans-types publiés par le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme. L’utilisation de systèmes constructifs industrialisés est systématisée. Cette formule, très avantageuse financièrement, rencontre un vif succès.
Plus d’un million de logements seront réalisés en 10 ans sur cette base
L’État lance une série de concours pour construire plus vite et moins cher. Les Logements Économiques Normalisés se rapprochent de la norme inférieure des Logements Économiques et Familiaux créés quelques mois auparavant. La surface habitable totale est de 48m2, le prix de revient par logement inférieur à 1,2 million de francs et l’immeuble ne peut dépasser 4 étages.
La même année, un nouvel arrêté crée les Économies de Main d’Œuvre. Ce concours ne modifie pas la typologie des appartements mais ses conditions de production par un personnel réduit.
Quelques mois après c’est le tour des Logements Populaires et Familiaux (LOPOFA). La surface minimale est légèrement augmentée : 48m2 pour un 3 pièce et 55m² pour un 4 pièces Le programme prévoit la construction de 30.000 LOPOFA, dont 10.000 pour la seule région parisienne.
Le souhait des pouvoirs publics est d’aboutir à une sorte de « modélisation » de la construction pour un abaissement du prix de revient qui débouchera sur des programmes de 600 logements minimum.
L’état d’esprit a changé, la France se tourne vers un futur “radieux”. Le
règne de l'électro-ménager est annoncé. Les dépenses des ménages dans ce
domaine vont doubler entre 1954 et 1956. En 1955, le mobilier de cuisine en
formica pénètre en force dans les cuisines et la matière plastique envahit
tout. En 1960, naît à Annecy, le premier supermarché. C’est aussi le règne de
l'automobile, en 1954, 20 % des français ont une auto. Ils seront 30% dès 1959.
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On parlait d'amour...
Maintenant c'est plus pareil
Ça change, ça change
Pour séduire le cher ange
On lui glisse à l'oreille
- Ah, Gudule! Viens m'embrasser
Et je te donnerai
Un frigidai-reu
Un joli scootai-reu
Un atomixai-reu
Et du Dunlopillo
Une cuisiniè-reu
Avec un four en ver-reu
♪♫
Conception : L'Union sociale pour l'habitat - DCOM - Centre de ressources & Patrick Kamoun
Textes : Patrick Kamoun
Numérisation des documents : Azentis