Au XIXe siècle, l’Alsace est un centre industriel important notamment
dans les domaines du textile et de la construction de machines-outils avec deux
grands pôles industriels : Strasbourg et Mulhouse.
Avec la montée de l’activité industrielle, le problème du logement des
ouvriers s’impose et va conduire à la construction de nombreuses cités
ouvrières dont celle de Mulhouse qui deviendra un modèle diffusé dans toute
l’Europe.
A partir de la fin du XIXe siècle, début XXe vont naître les
premières sociétés HBM, elles se multiplieront après la Guerre de 1914-1918.
La
cité ouvrière de la fonderie André
Koechlin & Cie - 1835
La cité de la fonderie André Koechlin & Cie, à Mulhouse, est l’une des
premières de France. En 1826, André Koechlin crée une fonderie et se lance dans la construction
mécanique qui deviendra bien plus tard Alstom.
En 1835, il fait construire 36 maisons en locatif avec jardin, pour les
ouvriers de ses ateliers de construction mécanique. En contrepartie, les
locataires s'engagent à cultiver leur jardin, à envoyer leurs enfants à
l'école, à ne pas contracter de dettes, à déposer chaque semaine une somme à la
caisse d'épargne et enfin, à verser 15 centimes par semaine dans la
« caisse des malades » de l'usine.
Ce premier programme de Mulhouse va être célébré par René Villermé dans son
«Tableau de l’état physique et moral des ouvriers» publié en 1840. Chaque
maison comporte deux chambres, une cuisine, un grenier et une cave, et les
loyers sont deux fois moindres que ceux pratiqués en ville. La maison, note
Villermé, possède son jardin « pour y cultiver une partie des légumes
nécessaires au ménage, et surtout pour habituer l’ouvrier à y passer le temps
qu’il donnerait au cabaret ».
Une association patronale, « la Société Industrielle de
Mulhouse » créée en 1825, constitue en juin 1853, la Société
mulhousienne des cités ouvrières (SOMCO), société civile dont le capital est
fourni par l’apport d’une douzaine d’industriels. Le principal actionnaire et
promoteur de l’opération est Jean Dollfuss (1800-1887), un industriel du
textile qui sera maire de Mulhouse de 1863 à 1869.
Le but de la société est de
rendre l’ouvrier propriétaire. Elle propose de bâtir un programme de maisons
individuelles, payables par mensualités, sur une durée de 15 ans. L’ingénieur
de l’Ecole centrale et architecte Emile Muller, en assure la conception et la
construction qui débute en 1853.
Le succès est immédiat. Le projet initial comportait une centaine de
maisons. En 1862, on atteint déjà 560 maisons. En 1895, la SOMCO aura livré
1.240 maisons, pour 10.000 habitants, soit 10% de la population de la ville. Les
logements ne sont pas réservés à une entreprise en particulier, mais accessibles
à tous les ouvriers, employés et contremaîtres des différentes manufactures de
la ville. On dit alors que quatre-vingts métiers sont présents dans la cité.
La cité
offre de nombreux services : une grande maison accueille un établissement de
bains et un lavoir, un restaurant fournit des plats préparés à bas prix, une
boulangerie, une bibliothèque et un magasin de vente à bon marché d’objets de
première nécessité.
Par cette réalisation, Mulhouse consacre l’application les idées du
libéralisme social de Le Play, l’un des maîtres à penser de la classe
dirigeante à la fin du XIXe siècle et théoricien du
caractère moralisateur de la propriété immobilière.
La cité est conçue suivant un plan orthogonal. Deux types de parcelles sont
définies suivant le type de maison, l’une allongée et l’autre carrée.
Le modèle de parcelle choisie pour les ouvriers regroupe quatre habitations
accolées en un seul bâtiment. C’est le carré mulhousien qui sera copié dans
toute l’Europe. Il sera repris notamment par la Cie des chemins de Fer du PLM
pour loger ses cheminots.
Les maisons sont fondées sur cave. Chaque maison dispose d’une cuisine et
d’une grande pièce au rez-de-chaussée, de trois chambres à l’étage, d’un
grenier et d’un cabinet d’aisance. Chaque logement a son jardin potager.
Tous les modèles ont la même surface de parcelle de 150 m2, et la même surface construite de 47m2. L’introduction de passages et de venelles entre les maisons crée une trame verte par addition des deux jardins en vis-à-vis.
Les maisons ouvrières de Mulhouse obtiendront une médaille d’or à l’Exposition universelle de Paris en 1867 et en 1889, un grand prix, récompense suprême, à la mémoire de Jean Dollfuss, président fondateur des cités ouvrières de Mulhouse.
La cité de Mulhouse est pour le XIXe siècle, la grande référence française en accession à la petite propriété.
La cité ouvrière est construite de 1855 à 1857 pour les ouvriers de la
filature de laine peignée Hartmann-Liebach. Elle reprend le modèle de la cité
de Mulhouse édifiée en 1853, à savoir deux groupes de 4 maisons divisées
chacune en 4 logements ayant leur entrée, un petit jardinet et un abri en bois.
A Guebwiller, la cité ouvrière de la filature Jean-Jacques Bourcart, est
créée en 1856. Elle comporte 139 logements, commerces,
bains, lavoir, cuisine commune, école maternelle, école primaire, et ouvroir.
La cité ouvrière de Dornach (aujourd’hui quartier de Mulhouse) destinée aux ouvriers de Dollfus-Mieg et Compagnie (DMC), est bâtie en 1867-1869. Elle comporte 70 logements en brique. La SOMCO bâtira à Dornach entre 1904 et 1907, une seconde cité de 78 logements.
La cité ouvrière de Schlumberger Fils et Cie est construite à partir de
1887.
Elle Comporte 38 logements en rez-de-chaussée. Chacun d'eux disposait d’une
grande cuisine et d’une surface habitable de 73 m2.
Cette cité ouvrière dite cité de l’Ile a été édifiée en 1900 par les
architectes Alfred et Louis Feine pour les établissements "Hartmann et
Fils".
Elle comporte alors huit immeubles collectifs, complétés d’un
lavoir et d’une buanderie, regroupés autour d’une place publique.
L'ensemble des
logements qui composaient la cité fut vendu en 1936 par les "Manufactures
Hartmann et Fils" et sont aujourd'hui des habitations privatives.
Les maisons ouvrières des Mines de Potasse d'Alsace - 1908
La potasse est découverte en 1904 en Haute-Alsace. Mais l'essor de l'extraction date du retour à la France en 1919. Deux sociétés se partagent l'exploitation des mines : les mines domaniales de potasse d'Alsace (MDPA), entreprise industrielle d'État (70% des puits), et les mines de Kali-Sainte-Thérèse, une entreprise privée (30% des puits). A partir de 1923, les deux entreprises font appel à une main d’œuvre immigrée à forte majorité polonaise.
Les cités ouvrières des mines de potasse sont édifiées à partir de 1908.
Elles bénéficient du tout-à-l’égout. Chaque logement dispose d’un grand jardin
de 4 à 5 ares, d’un vestibule, d’un sous-sol et d’une buanderie.
En 1931, 11.500 salariés travaillent pour les mines de potasse d’Alsace.
Dans les quinze villages ouvriers du bassin potassique, on comptait 4.159
logements d’ouvriers, 341 logements d’employés et de contremaîtres et 85
chalets d’ingénieurs, soit un total de 4.585 logements. À ceux-ci s’ajoutaient
les hôtels des ouvriers célibataires, comprenant 1.393 lits.
Les maisons ouvrières des Mines de Potasse d'Alsace - 1908
La cité est construite de 1923 à 1929 pour la Société Alsacienne d’Alimentation Ungemach, fabrique de bonbons, par les architectes, Bassompierre, De Rutté, Sirvin et Sorg. Elle est située sur “ les anciens glacis du Wacken” à Strasbourg.
La cité comporte 150 pavillons locatifs destinés à des familles nombreuses
(100 de 4 pièces, 50 de 5 pièces) et une école maternelle.
Chaque logement
dispose d’une pièce de séjour, deux ou trois chambres à coucher, une salle à
manger, une cuisine avec eau courante, une buanderie utilisable comme salle de
bains, un hangar, une cave et un grenier avec la possibilité d’aménager deux
mansardes.
Conception : L'Union sociale pour l'habitat - DCOM - Centre de ressources & Patrick Kamoun
Textes : Patrick Kamoun