L’expression est née en 1919, empreinte de nostalgie. La France est une puissance coloniale incontestée. Paris, capitale artistique et intellectuelle du monde, rayonne. La bicyclette s’impose et le premier tour de France enthousiasme le public en 1903. Les bains de mer sont en vogue et on assiste aux premiers pas de l’automobile et de l’aviation. En 1900, Paris est la vitrine du monde à travers l’Exposition universelle.
La France demeure un pays
majoritairement rural. Si elle s’est agrandie en 1860 avec Nice et la Savoie,
elle a perdu l’Alsace et une partie de la Lorraine en 1871. De cette perte
naîtra un nationalisme revanchard sur l’Allemagne. Les inégalités sociales et
régionales sont flagrantes. L'agriculture est la première activité économique
par le nombre d'employés, mais elle ne l’est pas sur le plan des revenus. Au
sud de la Loire, petits propriétaires et ouvriers agricoles vivent pour la
plupart dans la misère alors qu’au nord s’est développée une agriculture
intensive et productive. Ce dualisme se retrouve dans l'industrie.
Politiquement, la France est installée dans la République. L’adhésion collective au régime républicain s’affirme depuis l'affaire Dreyfus. L’école de Jules Ferry enregistre des progrès fulgurants, mais un français sur cinq est encore totalement illettré. Dans le domaine littéraire, deux nouveaux genres se développent : le roman policier et le roman de science-fiction. Comme l’école, la France devient laïque, non sans trouble. La séparation de l’église et de l’Etat est consommée en décembre 1905.
La Belle Époque, c’est
aussi ce que certains appelleront la 2ème révolution industrielle.
Après la grande dépression des années 1873 à 1896, la France entre dans une
période de croissance soutenue. De nouvelles industries se développent :
industries chimiques, métallurgiques, automobiles et aéronautiques. Les chemins
de fer sont populaires : on compte 400 millions de voyageurs en 1901, soit
quatre fois plus qu’en 1870.
Mais la
Belle Époque, ne l’est pas pour tout le monde. Les conditions de travail et de
logement de la classe ouvrière sont épouvantables. La précarité de l’emploi et
la dureté des conditions de travail créent un climat social très tendu.
L’époque est marquée par la révolte et la grève. Le phénomène atteint son
paroxysme en 1906, après la catastrophe des mines de Courrières qui fait plus de 1 000 morts. Les ouvriers
demandent la journée de huit heures..
Toutes les branches professionnelles
sont touchées, 1 400 mouvements de grèves dans l’année et 450 000 grévistes.
L’ordre social est menacé, la répression est féroce. Pour calmer les ardeurs
révolutionnaires le législateur institue le 1er jour de congé
hebdomadaire et le Gouvernement crée un Ministère du Travail.
Depuis 1890, toutes les analyses montrent une chute de la fécondité. En 20 ans, le taux de natalité est tombé de 25 à 19 naissances pour mille habitants en France, alors qu’il est toujours de 35 pour mille en Allemagne. Pire, en 1911, le taux de mortalité dans 64 départements français est > à celui de la natalité. A la veille de la guerre, la “dépopulation” est vécue comme un véritable drame national.
La question de la dépopulation devient lancinante. Elle est attisée par une association très dynamique de notables : l'Alliance nouvelle contre la dépopulation, qui devient rapidement l'Alliance nationale pour l'accroissement de la population française, créée en 1896, dans la lignée de l’école de Le Play.
Une autre association,
beaucoup plus populaire, va faire parler d'elle. En 1908, le Capitaine Simon
Maire, officier sans fortune et père de dix enfants, crée la Ligue Populaire
des Pères et Mères de Familles Nombreuses de France. Son slogan deviendra
célèbre : “les familles nombreuses créancières de la Nation”. Pour ces associations,
les Habitations à bon marché (HBM) devraient être
exclusivement destinées à des familles avec au moins trois enfants.
En savoir plus, Famille et logement : une histoire ancienne, Réalités familiales - Unaf
Pour sauver la famille, pour sauver la France, une seule solution : il faut repopuler. Ce slogan sera repris par toute la classe politique. A la veille de la Grande Guerre, la “dépopulation” va faire l’objet de multiples publications, d’articles et de conférences, mais aussi de chansons. Elle est vécue comme un drame national. « Il faut faire des enfants ! », clament les "repopulateurs". "Donnez des logements aux familles nombreuses !" ajoutent les ligues pour la défense des familles nombreuses. La chanson sociale n’évite pas le thème repris par les caricaturistes de tous poils et les chansonniers.
Pour qu'on fasse des gosses, paroles de Montéhus, musique de Chantegrelet, Montéhus Editeur.
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Si vous voulez qu’on repeuple la France
Qu’l’on soit certain de trouver un log’ment
La vl’là messieurs la vrai’ loi d’assistance
Fait’s des maisons et moins d’casernements
Plus de taudis où grouille la vermine
Où le vent souffle aux fenêtr’ sans carreaux
Où la nuit rod’ le spectr’ de la famine
Et fait pleurer les vieux près des berceaux.
♪♫
Conception : L'Union sociale pour l'habitat - DCOM - Centre de ressources & Patrick Kamoun
Textes : Patrick Kamoun
Numérisation des documents : Azentis